Benoit Tranchant

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L’ange noir

dimanche 8 mars 2009, par benoit

« À un moment donné, il faut bien être quelque part » : cet aphorisme de l’écrivain Cioran fait partie des rares phrases que prononçait Benoît Tranchant. Autodidacte cultivé et raffiné, cet ancien chauffeur livreur était entré en peinture, il y a vingt-cinq ans, après avoir pratiqué la boxe et été soldat à Toulon. Installé en banlieue parisienne, à larges coups de brosse, dans des tons sombres, il brossait des objets ordinaires et délaissés. Lit de garnison, chaise de bar, échelle d’ouvrier… Puis sont venues les lueurs urbaines : une fenêtre d’immeuble, l’enseigne d’une pharmacie, une grande roue : autant de nuits absolues mais pourfendues. Allégories de nos existences définitivement errantes et anonymes, les chefs-d’œuvre ont finalement surgi : des portions d’autoroutes ponctuées par l’arche d’un pont, un cul de camion ou une bande d’arrêt d’urgence. Brume, halos, auras, la touche hypersensible et la palette radicale métamorphosaient notre quotidien en Odyssée.

Révélé à Paris par le salon MAC2000, soutenu par les galeries Area en France, Artmah à Genève et Fadi Mogabgab à Beyrouth, l’artiste a essaimé dans nombre de collections visionnaires mais peu médiatiques plusieurs centaines de toiles. Fidèle à son silence légendaire, il avait caché à ses proches, comme à ses admirateurs inconditionnels, le cancer qui le rongeait. Il appartient désormais à l’histoire de l’art de donner à cet artiste la place importante qui est la sienne.

Françoise Monnin